Le blog des minots

Coton Blues

Ce sera donc la deuxième fois que je parle ici des éditions Gecko Jeunesse et de son auteur phare, Régine Joséphine. Après Le roi qui désirait le temps (dédicacé à la librairie Les minots par son illustratrice Selma Mandine), Régine aborde un thème difficile : l'esclavage. La petite esclave prénommée Coton rêve la nuit d'un oiseau géant qui l'emporterait vers l'océan. Le monde imaginaire apparaît comme seule échappatoire au quotidien, une porte toujours ouverte vers liberté, celle de penser, d'espérer. Un jour, Coton disparaît...

Les illustrations magnifiques d'Oreli Gouel viennent parfaitement étayer le message de cet album : le pouvoir de l'imagination est immense, comme la croyance inébranlable en un monde meilleur est nécessaire.

Coton Blues, Régine Joséphine / Oreli Gouel, Gecko Jeunesse, 13.50€

Flacons magiques

C'est dans la plus grande discrétion que Flacons magiques a gagné le prix graphique 2006 de la Foire du livre de jeunesse de Bologne. Réparons ici cette injustice car les illustrations de cet album sont incroyablement splendides et ne ressemblent à rien de ce que j'ai pu voir jusque là dans le domaine de la littérature jeunesse. Le trait est plein d'énergie, même les couleurs sombres explosent. Le jeu des rabats à soulever comme pour ouvrir ces drôles de flacons fonctionnent sur le ressort bien connu et efficace de la surprise. Bref, on a l'impression d'avoir entre les mains quelque chose d'à la fois précieux, rare et accessible à tous. Alors profitons-en et contredisons pour une fois le célèbre adage : "Qu'importe le flacon..."

Flacons magiques, Gyong-Sook Goh, Seuil Jeunesse, 15€ - A partir de 4 ans.

Adieu, mon innocence !

A l'approche de ses 10 ans, Tamara est angoissée. Elle se pose des questions : "pourquoi ne voit-on pas les cheveux pousser alors qu'ils poussent quand même", comment fait-on pour grandir, pourquoi le monde paraît-il si inquiétant soudain, pourquoi personne ne fait-il rien pour régler tous ces problèmes que l'on voit au journal télévisé : la faim dans le monde qui tue une personne toute les quatre secondes, la Terre qui se réchauffe, les enfants qui disparaissent...

En tant qu'adulte, on est ému de l'éveil de cette conscience. On sourit d'abord de l'apparente naïveté des remarques de Tamara face à une réalité à laquelle on s'est lâchement résigné, mais on finit par croire aussi, ne serait-ce que quelques minutes, qu'après tout, le monde peut changer. Les enfants, eux, retrouveront certainement dans les questionnements de Tamara un peu des leurs.

Adieu mes 9 ans ! est un livre à lire et à discuter en famille, salutaire pour tous. En plus, c'est drôle et pas moralisateur du tout.

Adieu, mes 9 ans !, Valérie Zénatti, Neuf de l'Ecole des Loisirs, 8€

Polar Norvégien

Dossier Morden inaugure une prometteuse nouvelle série d'aventures intitulée Europa. Le lecteur voyage avec Olivia et Jonathan Cavendish, qui suivent leur mère, auteur de guides touristiques dans différents pays d'Europe. Dans ce premier opus, l'action se déroule en Norvège. Les péripéties des deux enfants sont aussi l'occasion de découvrir une culture peu connue. Au menu et dès le petit déjeuner : saumon fumé, hareng-saur et petits pains. A visiter : des maisons colorées, des élevages de saumon... A admirer : le soleil de minuit. Les enfants ne sont cependant pas là pour faire du tourisme puisqu'ils vont se lancer, à l'insu de leur mère, dans une enquête au sujet de leur étrange voisin.

Europa : Dossier Morden, Nicodème & Lefèvre, Nathan, 12.95€ - dès 10 ans

Message personnel

Parmi les livres qui vont droit au coeur, il y a ceux qui se soumettent après coup à votre analyse et les autres, ceux qui résistent et gardent leur mystère. Vous êtes émus, éblouis sans trop savoir pourquoi. Vous sentez que ça vous parle, à vous personnellement, et que ça parle de vous aussi, mais le message est codé, indéchiffrable. Je viens de vivre cette expérience avec Le géant de sable.

Dans le désert, un géant de sable fait la connaissance d'un petit garçon, Sékou. Le géant n'a pas de nom alors Sékou lui en donne un, celui de son frère disparu: Ousman. Ousman est seul, n'a pas de parent alors Sékou devient son ami. Un soir, Ousman protège la tribu de Sékou d'une tempête. Pour le récompenser, le chef du village lui demande ce qu'il souhaite. Il répond : devenir un enfant.

"Le chef s'étonne :

-Tu veux devenir un être humain ? Sais-tu que les hommes souffrent ? Toi, tu as de la chance, tu es invicible.

- Je ne souffre pas, parce que je ne sens rien. Je veux vivre, rire et avoir mal. Je veux aimer, détester, être en colère.

-Alors qu'il en soit ainsi, dit le chef."

Les illustrations, magnifiques, sont de la talentueuse Cécile Gambini.

Le géant de sable, Agnès de Lestrade / Cécile Gambini, Nathan, 12€

Les soeurs Grimm

Après avoir été balladées de foyers en familles d'accueil, deux jeunes orphelines, les soeurs Grimm, sont accueillies par une vieille femme qui prétend être leur grand-mère et qui plus est, une détective de contes de fées...

C'est dans les vieux pots des contes et autres mythes de littérature enfantine que l'on fait les bons livres d'aujourd'hui. De nombreux auteurs et éditeurs semblent en être concainvus, à constater la production récente. Après Peter Pan et Alice au Pays des Merveilles, ce sont tous les personnages des contes classiques qui sont convoqués dans Les soeurs Grimm, détectives de contes de fée. Vous renconcontrerez Jacques le chasseur de géant de Jacques et le haricot magique, les trois petits cochons qui sont en fait de grands idiots, Blanche neige, toujours la plus belle et devenue institutrice, le Prince Charmant qui n'a plus rien de charmant... Vous apprendrez que tous ces héros ne sont pas imaginaires mais vivent dans le réel et plus précisément dans une ville des Etats- Unis. Les frères Grimm n'ont donc rien inventé !

L'intrigue est bien construite, bien cadencée. Une lecture qui séduira forcément bons et moins bons lecteurs à partir de 10 ans.

Les soeurs Grimm, détectives de contes de fée, Michael Buckley, Pocket Jeunesse, 14€

Zonzon et boule de neige

Paraît en format souple Frérot Frangin, avec le texte de Thierry Maricourt et les dessins de Tardi et je saisis cette occasion pour vous en recommander la lecture. Il s'agit de l'échange de courriers de deux frères, l'un en prison pour vol de voitures, le plus jeune en classe de neige. A travers les lettres de Frangin, on découvre un peu la réalité carcérale, l'étroitesse de la cellule, le manque d'intimité, d'occupations, la télé allumée toute la journée... Le ton n'est pas plaintif : au contraire, Frangin émaille ses descriptions de remarques humoristiques par pudeur aussi, on le devine et pour protéger son petit frère. On le voit aussi réflechir à ce qui l'a conduit là, regretter  : "C'est étrange, je volais des voitures pour me promener aux quatre coins du pays et même plus loin, beaucoup plus loin, et me voilà coincé dans une niche de béton. Ma combine est une impasse." Quant à Frérot, il a à coeur de faire partager son expérience enthousiasmante, demande conseils au grand frère pour gérer un conflit avec un copain. Partout transparaît la tendresse entre les deux frères. Pour Frérot : "Dépêche toi de me rejoindre ! Je sais que tu peux pas, je dis ça comme ça, pour rigoler, ce serait chouette si tu déboulais, je te transformerais en bonhomme de neige !" Pour Frangin: "La liberté pour moi, quand je ferme les yeux, c'est mon Frérot qui zigzague sur la neige. Je t'entends rire d'ici !".

Les illustrations de Tardi traduisent les expériences des deux frères avec un réalisme teinté de leurs émotions retenues. Je laisse à Frangin le mot de la fin : " Chourer des bagnoles, c'est un délit, je le reconnais et juré, craché, je ne recommencerai pas mais est-ce que ça mérite des années à l'hôtel Zonzon ?"

Frérot Frangin, Thierry Maricourt / Tardi, éditions Sarbacance - 9.90€

Voyages voyages

Les romans pour adolescentes se répartissent schématiquement en deux catégories : les romans "girly" où les jeunes filles se préoccupent beaucoup de leur apprence et des garçons et les romans à tendance fantastique où l' héroïne, double féminin d'Harry Potter, a des supers pouvoirs. Je ne serai pas mauvaise langue car parmi ce type de lectures, il y en a de très satisfaisantes, qui n'oublient pas l'humour et ne considèrent pas les jeunes filles comme d'égocentriques écervelées.

Avec Treize petites enveloppes bleues de Maurenn Johnson, l'adolescente ne se regarde pas le nombril, s'ouvre au monde : c'est déjà très appréciable. Ginny découvre après la mort de sa tante que celle-ci a imaginé pour elle un drôle de jeu d'énigmes en lui laissant  13 petites enveloppes bleues, autant de consignes, de missions qui la mèneront à voyager à travers l'Europe. Ginny qui se voit comme quelqu'un de très banal, va alors faire des rencontres extraordinaires, prendre des risques et vivre parfois dangereusement. On suit donc avec bonheur les pérégrinations de Ginny qui donnera certainement plus envie aux jeunes filles de partir en sacs à dos, libres comme l'air, que de s'acheter un nouveau vernis à ongles.

Treize petites enveloppes bleues, Maureen Johnson, Gallimard Jeunesse, 13€

Le quartier enchantant

Pour bien commencer cette année et couper court à la morosité de janvier, rien de mieux que le livre-cd Le quartier enchantant.  On nous raconte la vie d'un quartier enchanté mais pas dans un sens surnaturel. La magie tient ici du bonheur que les habitants prennent plaisir à se donner les uns aux autres. Pas besoin de baguette magique pour Zaza et ses amis pour embellir la vie des gens mais juste de la générosité, de l'humour et ....de la musique ! Derrière cette création originale, il y a Claude Sicre et son groupe, les Fabulous Trobadors, des toulousains qui animent les quartiers depuis des années. Un monde idéal à portée de main où la solidarité passe aussi par la fête.

Le quartier enchantant + cd, histoire par Claude Sicre, illustrée par Tom Schamp et interprétée par Fabulous Trobadors, Bombes 2 Bal et la Chorale Civique d'Arnaud Bernard, Actes Sud Junior / Tôt ou tard, 23€

Rions maintenant

L'éditeur Syros a fait paraitre deux livres d'un genre atypique, l'album documentaire : Le rire raconté aux petits curieux et Les animaux racontés aux petits curieux. L'idée est de parler d'un sujet comme on raconte une histoire. Le premier album est divisé en quatre parties : "Qu'est-ce que le rire ?", "Comment riait-on, il y a mille ans ?", "Le rire au quotidien", et "Humours d'ailleurs". L'auteur nous rappelle que comme l'a dit Aristote, "l'homme est le seul animal qui rit" et qu'il rit pour différentes raisons : l'étonnement, l'incongru, ce qu'il perçoit immédiatement de la réalité, le double sens et le second dégré... Il peut rire de lui-même également et c'est d'ailleurs mon rire préféré, si vous me permettez l'expression. Les références sont nombreuses : Molière, Daumier, Charlie Chaplin, Tardieu, Desproges... et les particularités géographiques du rire mises en évidence.

Bref, si l'objectif de cet album n'est pas d'exercer nos zygomatiques (il y a toute de même des blagues, données à titre d'exemple), les neurones, eux, sont entièrement satisfaits et nos yeux aussi car les illustrations, la maquette, sont réussies. Après tout, le rire c'est sérieux. N'est-il pas une nécessité de l'homme, pour se rapprocher des autres et se jouer des malheurs de la vie ?

Le rire raconté aux petits curieux, Marie Saint-Dizier / Atsuko Ishii, Syros, 16€