Le blog des minots

Le Grand bazar

J'ai toujours été nulle pour dessiner. Je me souviens d'une institutrice de maternelle qui avait traité les bonshommes que je gribouillais avec application de "tétards". Autant vous dire que j'ai eu après une sorte de "blocage" pour ce qui concernait les activités manuelles et artistiques, tout en développant une forte admiration pour ceux qui possèdent des talents dans ce domaine. Aussi quand j'ouvre Le Grand Bazar, je me dis toute suite que c'est un livre que j'aurais aimé avoir petite. Pour commencer, on vous incite à dessiner des moustaches, à rajouter des cornes, à noircir des dents sur des portraits. Que celui à qui il n'est jamais arrivé de griffoner sur les catalogues me jette la première pierre ! Le lecteur-farceur est alors promu artiste. C'est l'auteur qui le dit : " Si tu as réussi à personnaliser des cartes postales au début de ce livre, cela signifie que tu es un artiste professionnel accompli". Ensuite, on écrit un livre et on en illustre un autre, rien que ça. Bref l'effet est le contraire de celui provoqué par ma chère ancienne institutrice....Le grand bazar propose encore d'autres activités ainsi que des matériaux pour créer (photographies, jeux de motifs...). L'édition est soignée, le livre sent le beau papier (oui oui les livres ont une odeur). De quoi exercer son imagination sans complexe et avec humour.

Le Grand Bazar, Radunsky, Panama, 18€ - De 5 à 105 ans (comme il est indiqué sur la couverture)

PS : je profite de ce sujet pour remercier une fois encore ma petite soeur Carole, "l'artiste de la famille", qui a décoré avec goût, originalité et patience les vitrines des Minots pour Noël.

Avec le temps

C'est Noël dans quinze jours et l'on n'a pas vu le temps passer.Il fait si doux encore... J'ai aujourd'hui à vous proposer deux jolis albums, de petites raretés, qui parlent justement du temps, de cette notion difficile à expliquer aux enfants. Dans Rêve de tortue de Maïté Laboudigue, le parti pris est celui de la douceur, de la poésie. C 'est le matin pour Caroline qui a du mal à se réveiller. Sa tortue lui propose d'hiberner avec elle, sous la couette, mais Caroline s'attarde en chemin : en novembre pour fêter Halloween, en décembre pour Saint Nicolas, en janvier pour goûter la galette des rois etc.

Dans le Roi qui désirait le temps, l' approche est plus métaphysique et métaphorique pusique l'auteur nous plonge dans un "temps où le Temps n'était pas, où le jour n'existait pas et la nuit ne tombait pas", un "temps qui ignorait le temps". A cette époque où rien de changeait jamais, le Roi voyait sa vie s'écouler sans envie, sans entrain. Il sentait qu'il lui manquait quelque chose. .. Son Grand Chambellan, mal ententionné, lui conseilla alors d'aller voir l'ermite pour lui demander le secret du changement. Le Roi revint de sa visite avec quatre sacs...qui firent les saisons.

 

Rêve de tortue, Maïté Laboudigue, Lo Païs d'Enfance, Editions du Rocher, 18€ - à partir de 4/5 ans

Le Roi qui désirait le Temps..., Régine Joséphine / Selma Mandine, Gecko Jeunesse, 14.50€ - à partir de 6 ans

La petite princesse de Noël

Qui ne connait pas Chien Bleu, ce mythique ablum de Nadja qui fascine les enfants depuis deux générations déjà ? En plus de réinventer des contes dans la plus pure tradition, Nadja sait aussi manier l'impertinence, notamment avec la série "La petite princesse" qui dynamite le genre "histoire de princesses". Après L'horrible petite princesse si monstreuse de méchanceté et La petite princesse nulle, si godiche qu'elle fait un peu pitié, voici La petite princesse de Noël dont la crainte est de ne pouvoir faire plaisir à tout le monde. Avec ses petites princesses là, nos défauts ne sont pas stigmatisés, au contraire ils font de nous des êtres uniques, dignes d'être aimés. Ainsi la petite princesse de Noël, généreuse à l'excès, finit-elle par se marier avec le Père Noël.

Les personnages s'expriment dans des bulles, les dialogues sont savoureux et les dessins désopilants. L'humour de Nadja, mordant sans être méchant est juste ce qu'il nous faut à tous pour rire sous la pluie de cette fin novembre.

La petite princesse de Noël, Nadja, Ecole des Loisirs, 12.50€ - A partir de 5 ans.

Contes des 1001 nuits

Cette fin d'année voit la publication de deux recueils de contes des mille et un nuits chez deux éditeurs, le Père Castor et Milan Jeunesse. Simple coïncidence ?  Allez savoir mais le jeu des comparaisons est tentant. Les deux albums sont bien écrits, ce qui n'est pas évident car parfois l'adaption de contes célèbres laisse à désirer. Avec l'adaptation de Michel Laporte pour le recueil du Père Castor, l'écriture est fluide et les textes rendus accessibles aux plus jeunes. Dans le second, le vocabulaire est plus difficile, le travail d'adaption moins poussé.  Prenons un exemple, celui où Ali Baba, alors dans la fôret, voit pour la première fois approcher les bandits.

Dans le 1er album, on lit : "Un jour qu'il était dans la forêt, Ali Baba aperçut un gros nuage de poussière qui venait vers lui. En regardant attentivement, il distingua une troupe de cavaliers armés. Ali Baba comprit que c'étaient des voleurs. Pour sauver sa vie, il monta vite sur un gros arbre d'où il pouvait voir sans être vu."

Dans le 2nd : " Un jour alors qu'Ali Baba avait pénétré au coeur de la forêt pour trouver du bois sec, il aperçut soudain bon nombre de cavaliers avançant droit sur lui : "Que font-ils dans la forêt ? se dit-il. Ce sont certainement des voleurs qui veulent m'attaquer moi aussi !". Pour ne pas être vu, il poussa ses mulets dans les fourrés et grimpa en haut d'un arbre qui se trouvait près d'un gros rocher plat. Le feuillage épais le dissimulait complètement, mais lui pouvait contempler toute la scène".

Quant aux illustrations, elles sont magnifiques dans les deux albums mais très différentes : pour le premier, l'illustratrice Charlotte Gastaut dont on pouvait déjà apprécier le talent dans Ce qu'il y avait sur l'image édité l'année dernière aux éditions Thierry Magnier, modernise le thème avec des couleurs éclatantes ; dans le second, Olga Dugina, telle une miniaturiste, travaille le détail avec brio, dans un style néanmoins classique. Enfin les deux albums ne s'adressent peut-être pas à la même classe d'âge, le premier pouvant être lu à des enfants de 5 ans et les contes choisis ne sont pas les mêmes, exceptés l'incontournable Ali Baba.

En conclusion, à vous de choisir !

Contes des mille et une nuits, Michel Laporte / Charlotte Gastaut, les albums du Père Castor, 15€

Les plus beaux contes des Mille et Une nuits, illustrés par Olga Dugina, Milan Jeunesse, 16€

Alice au pays de merveilles et Peter Pan : le retour

La littérature jeunesse nous offre actuellement deux récits autour de célèbres livres dont on peut dire qu'ils font partie du patrimoine culturel des enfants.

Geraldine McCaughrean a été sélectionnée parmi plus de 100 écrivains à la suite d'un concours pour inventer la suite "officielle" de Peter Pan, écrit par J.M. Barrie il y a près d'un siècle. Dans L'habit rouge de Peter Pan, on retrouve d'abord avec plaisir les anciens compagnons de Peter Pan dans leur vie d'adulte. Ils vivent normalement excepté la nuit : ils rêvent du "Pays Imaginaire" où il semble se passer quelque chose de bizarre. Ils décident de s'y rendre et découvrent que la fée Clochette et tous les enfants perdus ont disparu ! Ils embarquent alors pour de nouvelles aventures à bord du bâteau abandonné du capitaine Crochet et accompagné bien-sûr de Peter Pan. Ce dernier se comporte de façon étrange, souvent avec cruauté et égoisme, ce qui ne manque pas d'inquiéter Wendy et a fini par me lasser, personnellement.

Le 1er tome des Guerres du Miroir intitulé Alice en exil n'est pas la suite d'Alice au Pays des merveilles de Lewis Caroll mais serait la "véritable" histoire d'Alice. L'auteur, Frank Beddor, part de cette idée géniale : Alice Lidell, pour qui Lewis Caroll a écrit "Alice au pays des merveilles", serait née et aurait vécu au Pays des merveilles. Elle l'aurait décrit à Lewis Caroll, alors qu'elle se serait retrouvée par hasard dans notre monde. Le révérend s'en serait inspiré pour écrire le fameux Alice au pays des merveilles que nous connaissons mais en dénaturant le récit d'Alice, en en faisant selon l'interessée, un conte presque insipide. Car la réalité d'Alice au Pays des merveilles est toute autre, plus violente avec les combats qu'il faut mener contre la tante Red mais curieusement plus "réelle". On quitte ici le domaine du merveilleux pour celui du fantastique.

Je vous préviens : vous ne lâcherez pas ce livre une fois commencé. Le rythme est trépidant, les personnages attachants parce qu'ils vivent des moments difficiles dont ils savent puiser force et courage.

L'Habit rouge de Peter Pan, Géraldine McCaughrean, Pocket Jeunesse, 16.50€ - à partir de 10 ans

Les guerres du miroir, t1 : Alice en exil, Frank Beddor, Bayard Jeunesse, 15.90€ - à partir de 12-13 ans

Le Combat d'hiver

J’aimerais apporter ma pierre à l’édifice d’éloges, mérités, autour du Combat d’hiver, du talentueux Jean-Claude Mourvelat

Voici un monde où il existe des orphelinats-prisons non mixtes, où les règles sont si sévères que les occupants ont droit deux fois l’an à rencontrer une « consoleuse », seule habilitée à apporter un peu d’affection et de douceur. Alors qu’elles se rendent chez l’une d’entre elles, Helen et Milena, deux jeunes adolescentes, croisent deux garçons du même âge, Milos et Bartolomeo. Après son entrevue avec sa consoleuse, Helen apprend la fuite de Milena avec Bartolomeo et s’évade aussi avec Milos. Débute leur « combat d’hiver », celui qu’ils doivent mener pour échapper aux hommes-chiens lancés à leur trousse mais aussi celui de la résistance face au totalitarisme. Il y a l’instinct de survie, l’objectif individuel d’une part et le destin général, l’idéal qui impose que l’on se sacrifie pour lui. Jusqu’où notre courage peut-il nous porter ? C’est bien la question qui nous est ici posée car dès les premiers mots du livre, on est pris dans cette histoire, on se demande à chaque moment comment nous agirions si nous étions à la place des protagonistes. On parle d’amour aussi, avec beaucoup de délicatesse, comme un sentiment qui donne des ailes, qui donne confiance en soi et dans les autres et donne envie de changer le monde. L’amour comme acte de résistance.

Le combat d’hiver, Jean-Claude Mourlevat, Gallimard Jeunesse, 15€

A partir de 12 ans

L’expérience de l’art

Il faut absolument que je vous parle de deux livres animés dont l’expérience de lecture m’a remplie de pure et simple joie.

Dans Où es tu Mona ?, on apprend que la Joconde a pour habitude, la nuit, de visiter d’autres tableaux afin de vivre des aventures, se changer les idées : voilà le secret de son éternel sourire malicieux ! On manipule les tirettes et on retrouve Mona déguisée en Louis XIV, en compagnie des vahinés de Gauguin ou risquant de se faire avaler par l’hippopotame de Pompon.

Dans Cachettes et secrets, je me suis perdue dans les œuvres des grands peintres hollandais du 17^ème siècle comme Wermeer, Rembrandt et me suis attardée dans les pièces d’une maison de l’époque où j’ai eu la délicieuse impression d’entrer par effraction, tellement l’atmosphère y était intime, douillette. Je l’avoue maintenant, j’ai grimpé en catimini des escaliers et espionné sans vergogne ses habitants à travers les volets à soulever, les fenêtres à ouvrir ...

Bref, deux livres remarquables pour familiariser les plus jeunes au monde l'art, leur montrer qu'il faut jouer de l'art et que c'est un moyen de vivre de belles émotions.

Où es-tu Mona ? Caroline Desnoëttes, Réunion des Musées Nationaux, 14.50€

Cachettes et secrets, Marie Barguirdjian Bletton, Réunion des Musées Nationaux, 14.50€

A partir de 5 ans

A prescrire de toute urgence !

Le docteur Baudoin, la cinquantaine, vient de trouver un jeune associé, le docteur Chasseloup. Alors que pour le premier, usé voire cynique, les consultations ne durent pas plus de dix minutes ; pour le second, idéaliste et plein de compassion, elles sont l’occasion d’un échange approfondi avec ses patients. Un jour, le docteur Chasseloup rencontre Violaine, adolescente et fille du docteur Baudoin, dans des circonstances un peu particulières…

Voici donc comment débute "le Marie-Aude Murail" dernier cru.

Le reste est à la hauteur de la réputation de la dame qui sait rendre attachants  ses personnages, traiter avec justesse de l’adolescence et raconter avec humour, sans user pourtant de trop faciles bonnes répliques.

Cette potion magique est donc à prescrire à tous, filles ou garçons, bons lecteurs ou pas !

La fille du docteur Baudoin, Marie-Aude Murail, Ecole des Loisirs, 10.50€

A partir de 12 ans

Peau d'âne

Pour cette "Peau d'Ane", Jean-Jacques Fdida a puisé dans la tradition orale et populaire de plusieurs pays d'Europe où cette histoire était connue, bien avant que Perrault l'adapte, sous le nom de "Toutes-Fourrures", "Peau-de-Mille-Bêtes", "Pé d'Ane", "Peau d'Anon", "Peau d'Anesse"...

Voici donc une version qui offre plusieurs contes en un. On retrouve entre autres le désir incestueux du père pour Peau d'Ane, mais exprimé de manière plus cachée, ainsi que des références à Cendrillon. Ici Peau d'Ane est plus sauvage, plus "animale" et donc plus intéressante, par le mouvement d'attraction-répulsion qu'elle engendre. Dans cette histoire, ce qui m'a fasciné, c'est la déchéance de Peau d'Ane, qui passe de fille de roi à souillon des cuisines et sa métamorphose inverse. Le fait aussi que le Prince ne reconnaisse pas la jeune fille lorsqu'elle porte sa vilaine peau laisse place à de nombreux commentaires car cet homme n'est-il pas bien stupide qu'il ne sait reconnaître la beauté derrière un vêtement... Finalement, ne juge-t-il pas sur l'apparence comme nous avons tous tendance à le faire ?

Enfin, la mise en musique (Jean-Marie Machado) et en images (Nathalie Novi), la talent de conteur de Jean-Jacques Fdida finissent de faire de ce livre-cd une réussite. Cela peut-être aussi l'occasion de voir et revoir la version cinéma de Demy.

Peau d'Ane, Didier Jeunesse, 23.50€

U de Grégoire Solotareff et Serge Elissalde

U, le nouveau film de Grégoire Solotareff et Serge Elissalde, sorti en salle hier est une vraie réussite que je vous invite à tous aller voir au plus vite. U est une licorne qui surgit dans la vie de Mona alors petite orpheline élevée par deux rats peu ragoutants. Grâce à sa nouvelle amie, Mona apprend à grandir dans la confiance et l'affection jusqu'à ce qu'elle découvre l'amour, le véritable, en la personne d'un chanteur, bohème et maladroit. C'est la fin de l'enfance et les prémices de l'adolescence... et pour U, le moment de s'éclipser.
Pas d'images de synthèse et de répliques en mitraillette ici mais au contraire des dessins oniriques, des chansons (composées par Sanseverino) qui donnent envie de danser, des dialogues sincères. U est une histoire qui prend le temps, celui de grandir, de tomber amoureux. Pas de discours moralisateur, bêtifiant mais une vision du monde, lucide, optimiste. Toutes ces raisons font de U un film à part, une rareté, destinée à tout le monde, grands et petits, même si ces derniers seront sans doute un peu déroutés par cette histoire où il ne se passe pas grand chose, à priori. Ils ne sortiront peut-être pas excités de la projection mais le temps fera son travail, le charme agira, tout doucement...
Vous pouvez retrouver U dans deux déclinaisons du film, éditées par l'Ecole des loisirs, qui font partie des plus beaux livres de cette fin d'année : un en relief ( 19,50€) et l'album de 22 pages (16,80€). Que du bonheur!